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List of Sentences

Corpus "VoyageCeline-GS"

Author: L.F. Céline
Title: Voyage au bout de la nuit
Publisher: Gallimard (1952), Futuropolis (1988), ISBN 9782070213047
Chapter 1, pp. 11 - 16

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Alors on a marché longtemps.
Alors, ils mettent leur chapeaux hauts de forme et puis, ils nous en mettent un bon coup de la gueule comme ça : « Bandes de charognes, c'est la guerre ! qu'ils font. On va les aborder, les saligauds qui sont sur la patrie n° 2, et on va leur faire sauter la caisse ! Allez ! Allez ! Y a de tout ce qu'il faut à bord ! Tous en choeur ! Gueulez voir d'abord un bon coup et que ça tremble : « Vive la Patrie n° 1 ! » Qu'on vous entende de loin ! Celui qui gueulera le plus fort, il aura la médaille et la dragée du bon Jesus ! Nom de Dieu ! Et puis ceux qui ne voudront pas crever sur mer, ils pourront toujours aller crever sur terre où c'est fait bien plus vite encore qu'ici ! »
Alors, on remarque encore qu'il n'y a personne dans les rues, à cause de la chaleur ; pas de voitures, rien.
Après, la conversation est revenue sur le Président Poincaré qui s'en allait inaugurer, justement ce matin-là, une exposition de petits chiens ; et puis, de fil en aiguille, sur Le Temps où c'était écrit.
Arthur, un étudiant, un carabin lui aussi, un camarade.
Assis sur des clous même à tirer tout nous autres !
Bien fiers alors d'avoir fait sonner ces vérités utiles, on est demeuré là assis, ravis à regarder les dames du café.
Ça a débuté comme ça.
Ça m'a un peu froissé qu'il prenne la chose ainsi, mais ça m'a pas arrêté.
Ça s'est fait exactement ainsi.
Cette brève mais vivace discussion m'avait fatigué.
C'est Arthur Ganate qui m'a fait parler.
C'est ça encore qui est plus infect que tout le reste, leur travail.
C'est ça la France et puis c'est ça les Français.
C'est lui qui nous possède !
C'est pas une vie ...
C'était après le déjeuner.
Des coups de trique seulement, des misères, des bobards et puis des vacheries encore.
En haut sur le pont, au frais, il y a les maîtres et qui s'en font pas, avec des belles femmes roses et gonflées de parfums sur les genoux.
Enfin, nous nous réconciliâmes avec Arthur pour finir, tout à fait.
Et d'ailleurs le jour où la patrie me demandera de verser mon sang pour elle, elle me trouvera moi bien sûr, et pas fainéant, prêt à le donner.
Et je lui récite alors : Un Dieu qui compte les minutes et les sous, un Dieu désespéré, sensuel et grognon comme un cochon. Un cochon avec des ailes en or qui retombe partout, le ventre en l'air, prêt aux caresses, c'est lui, c'est notre maître. Embrassons-nous !
Et la preuve la meilleure, c'est que j'ai composé une manière de prière vengeresse et sociale dont tu va me dire tout de suite des nouvelles : Les ailes en Or ! C'est le titre !...
Et puis il s'est mis à y en avoir moins des patriotes...
Et puis, j'étais ému aussi parce que le garçon m'avait un peu traité de sordide à cause du pourboire.
Et puis, le voilà parti à m'engueuler.
Et qu'est-ce qu'on en a ?
Et une belle de race ! qu'il insistait lui, et même que c'est la plus belle race du monde, et bien cocu qui s'en dédit !
Il veut me parler.
Il y en avait des patriotes !
Ils avaient refermé la porte en douce derrière nous les civils.
Ils ne pouvaient pas aller plus loin à cause de la mer.
Je l'écoute.
Je rentre avec lui.
Justement la guerre approchait de nous deux sans qu'on s'en soit rendu compte et je n'avais pas la tête très solide.
J'ai tenu ferme bien entendu.
J'allais m'en aller.
J'étais au pas.
La musique s'est arrêtée.
La pluie est tombée, et puis encore de moins en moins et puis plus du tout d'encouragements, plus un seul, sur la route.
La race, ce que t'appelles comme ça, c'est seulement ce grand ramassis de miteux dans mon genre, chassieux, puceux, transis, qui ont échoué ici poursuivis par la faim, la peste, les tumeurs et le froid, venus vaincus des quatre coins du monde.
Les uns derrière les autres ?
Mais trop tard !
Mais voilà-t-y pas que juste devant le café où nous étions attablés un régiment se met à passer, et avec le colonel par-devant sur son cheval, et même qu'il avait l'air bien gentil et richement gaillard, le colonel !
Moi, je ne fis qu'un bond d'enthousiasme.
Moi, j'avais jamais rien dit.
Nous n'étions donc plus rien qu'entre nous ?
On a ses doits autour du cou, toujours, ça gêne pour parler, faut faire bien attention si on tient à pouvoir manger ...
On est en bas dans les cales à souffler de la gueule, puants, suintants des rouspignolles, et puis voilà !
On est nés fidèles, on en crève nous autres.
On était du même avis sur presque tout.
On était fait, comme les rats.
On nous fait monter sur le pont.
On se rencontre donc place Clichy.
On travaille ! qu'ils disent.
Pour des riens, il vous étrangle ...
Quand il fait très froid, non plus, il n'y a personne dans les rues ; c'est lui, même que je m'en souviens, qui m'avait dit à ce propos : « Les gens de Paris ont l'air toujours d'être occupés, mais en fait, ils se promènent du matin au soir ; la preuve, c'est que lorsqu'il ne fait pas bon à se promener, trop froid ou trop chaud, on ne les voit plus ; ils sont tous dedans à prendre des cafés-crème et des bocks. C'est ainsi ! Siècle de vitesse ! qu'ils disent. Où ça ? Grands changements ! qu'ils racontent. Comment ça ? Rien n'est changé en vérité. Ils continuent à s'admirer et c'est tout. Et ça n'est pas nouveau non plus. Des mots, et encore pas beaucoup, même parmi les mots, qui sont changés ! Deux ou trois par-ci, par-là, des petits ... »
Quand on est pas sages, il serre ...
Rien !
Rien.
Si donc ! qu'il y en a une !
Soldats gratuits, héros pour tout le monde et singes parlants, mots qui souffrent, on est nous les mignons du Roi Misère.
Un petit malin, dans tous les cas, vous voyez ça d'ici, et tout ce qu'il y avait d'avancé dans les opinions.
Voilà ce qu'il m'a répondu.
Voilà.
Y en avait plus qu'il y en avait encore des rues, et puis dedans des civils et leurs femmes qui nous poussaient des encouragements, et qui lançaient des fleurs, des terrasses, devant les gares, des pleines églises.
- Arthur, l'amour c'est l'infini mis à la portée des caniches et j'ai ma dignité moi ! que je lui réponds.
- Bardamu, qu'il me fait alors gravement et un peu triste, nos pères nous valaient bien, n'en dis pas de mal !...
- C'est pas vrai !
- C'est tout à fait comme ça ! que m'approuva Arthur, décidément devenu facile à convaincre.
- C'est vrai, t'as raison en somme, que j'ai convenu, conciliant, mais enfin, on est tous assis sur une grande galère, on rame tous à tour de bras, tu peux pas venir me dire le contraire !...
- Haineux et dociles, violés, volés, étripés et couillons toujours, ils nous valaient bien !
- Il y a l'amour, Bardamu !
- J' vais voir si c'est ainsi ! que je crie à Arthur, et me voici parti m'engager, et au pas de course encore.
- Ni de chaussettes, ni de maîtres, ni d'opinions, ou bien si tard, que ça n'en vaut plus la peine.
- Nous ne changeons pas !
- On verra bien, eh navet ! que j'ai même encore eu le temps de lui crier avant qu'on tourne la rue avec le régiment derrière le colonel et sa musique.
- Parlons-en de toi !
- Si donc ! qu'il y en a une !
- Ton petit morceau ne tient pas devant la vie, j'en suis, moi, pour l'ordre établi et je n'aime pas la politique.
- Tu l'as dit, bouffi, que je suis anarchiste !
- Tu peux le dire !
- T'as raison, Arthur, pour ça t'as raison !
- T'es rien cxxx Ferdinand ! qu'il me crie, lui Arthur en retour, vexé sans aucun doute par l'effet de mon héroïsme sur tout le monde qui nous regardait.
- T'es un anarchiste et puis voilà tout !
« Cette terrasse, qu'il commence, c'est pour les oeufs à la coque ! Viens par ici ! »
« En résumé, que je me suis dit alors quand j'ai vu comment ça tournait c'est plus drôle ! C'est tout à recommencer ! »
« J'y suis, j'y reste ! » que je me dis.
« Restons pas dehors ! qu'il me dit. Rentrons ! »
« Tiens, voilà un maître journal, Le Temps ! » qu'il me taquine Arthur Ganate, à ce propos.
« Y en a pas deux comme lui pour défendre la race française ! Elle en a bien besoin la race française, vu qu'elle n'existe pas ! » que j'ai répondu moi pour montrer que j'étais documenté, et du tac au tac.

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